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Fred2024-02-28T11:52:40+00:00

Fils d’émigrés grecs chassés par les violences turques, Othon Aristides, dit Fred, naît le 5 mars 1931 à Paris. Il décède à Eaubonne, en région parisienne, le 2 avril 2013.

Il grandit rue de la Paix, non loin des bureaux de l’agence de presse Opera Mundi, qu’il découvre désertés par l’Occupation en 1941 avec un copain. Il découvre alors un trésor, un stock de comics abandonnés, de Mandrake à Mickey Mouse. Fasciné, il commence à dessiner en copiste, avant de façonner son propre univers décalé avec lequel il fait timidement le tour des rédactions à sa majorité.

Plusieurs publications dans différents quotidiens lui permettent des rencontres décisives, notamment avec Georges Bernier, alias le Professeur Choron, et François Cavanna, avec lesquels il fonde en 1960, Hara-Kiri. Mais Fred veut raconter des histoires, inventer des mondes à explorer sur sa table à dessin, en prenant soin de fermer la fenêtre devant lui afin d’éviter que les idées ne s’envolent. Il se laisse alors transporter dans le tourbillon de sa baignoire qui se vide et fait la rencontre de Philémon, personnage rêveur et poétique qu’il fait voyager dans son univers aquatique et absurde.

En 1966, il propose quinze planches de ses aventures fantastiques au journal Spirou, qui les refuse, avant que René Goscinny, alors rédacteur en chef de Pilote, s’en enthousiasme. Ce dernier décide de publier le récit Le Mystère de la Clairière des Trois-Hiboux, premier épisode des aventures de Philémon, personnage qui «représente la quintessence de l’œuvre de Fred» comme le déclare François Le Bescond, son éditeur et ami de longue date. La grande aventure de Philémon commence alors. Le train où vont les choses (Dargaud, 2013), le tome 16 de la série est publié quelques mois avant sa mort et vingt-cinq ans après Le diable du peintre où Fred avait laissé Philémon en 1987.

Parallèlement à cette série devenue historique, Fred explore les codes alors bien établis de la bande dessinée avec des oeuvres audacieuses comme Le Petit Cirque (Dargaud, 1973), Magic Palace Hôtel (Dargaud, 1980) ou encore L’Histoire du corbac aux baskets (Dargaud, 1993). Il jongle avec la poésie et propose de richissimes «déconstructions de la bande dessinée». Fred, en lecteur passionné, a pu assimiler les conventions de cet art tout en cherchant, à l’instar de Winsor McCay ou de George Herriman, à repousser toute limite.

« Pendant des années, je ne m’endormais jamais avant d’avoir inventé une histoire »

Plusieurs planches de l’artiste témoignent en effet de son appétit insatiable pour les jeux avec le matériau expressif ou le dispositif, et aussi avec le second degré, comme moyen de surprendre, et de dérouter son lecteur vers des parcours inattendus. On pense par exemple au prologue d’une planche en fausse gravure, découpée en cases et sertie de bulles, qui signale un intérêt jamais démenti pour les citations et mélanges graphiques de toutes sortes. Certaines planches combinent photos et dessins mais aussi collages en tout genre. Fred joue avec les cadrages et angles de vue grace à une variation des tailles et formes de la case.

Ses dessins, au trait précis et profond, peuvent être contemplés comme des « épreuves de l’esprit se libérant des routines et des préjugés » pour reprendre les mots de Marguerite Yourcenar. Le travail de Fred est le reflet d’un esprit anticonformiste et absurde qui imprègne la totalité de son œuvre annonciatrice du renouveau de la bande dessinée. On a même l’impression que l’auteur s’y est appliqué avec « systématisme », tant la règle de l’extravagance paraît s’être imposée à lui comme une finalité propre.

Afin d’affranchir une imagination créatrice tenue peut-être sous le verrou de formes non encore suffisamment maîtrisées ou exploitées, Fred s’emploie à démonter la mécanique des perceptions courantes de la réalité et à en déjouer le confort. Il a besoin de faire table rase de tout ce qui semble attendu ou prévisible, en sorte que la puissance évocatrice de son moyen d’expression s’expose avec la perfection des objets frappés de singularité.

Fred prend place à nos yeux parmi les maîtres qui ont influencé toute une génération d’artistes grâce à son langage novateur et son imagination foisonnante. Il a ouvert une nouvelle voie à la bande dessinée, celle qui ne tient pas en « case » mais qui est poreuse et nous propose plusieurs ouvertures sur les arts.
 

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