Ferenc Pintér

Exposition du 4 mai au 2 juillet 2016
Vernissage le mardi 3 mai à partir de 18 h 30
Séance de dédicaces le mardi 10 mai de 17h30 à 19h30

En France, l’artiste italo-hongrois Ferenc Pintér est quasi confidentiel. Pourtant, il fait partie de ceux dont le travail rend sans en avoir l’air le monde intelligent. Ses affiches politiques sont foudroyantes, graphiques, narratives. Comme ses illustrations. Comme le millier de couvertures de livres qu’il a réalisé à Milan pour l’éditeur Mondadori. Entre expressionnisme et surréalisme, figuration et abstraction, ce « peintre sur papier » est aussi de la race des Savignac, des Cassandre, des André François. La galerie Martel vous présente Ferenc Pintér.

« Je suis né à Alassio, sur la côte ligure, en 1931. Peut-être mes parents étaient-ils en vacances… Mais au fond, je crois que mon père, peintre, gagnait sa vie en faisant le portrait des clients des hôtels. » La mère est florentine et rangée. Le père, Jozsef, est hongrois et bohème : « un artiste médiocre, dit de lui Ferenc, mais qui fut pour moi un fabuleux premier maître. » La santé du père réclame une opération chirurgicale, et la famille se replie sur Budapest. Là, Ferenc tente d’entrer à l’académie des Beaux-Arts. Mais le rideau de fer est tombé : il sera trois fois recalé. De trop belles chaussures, cadeau de sa tante de Florence, et surtout, des idées trop peu normées…

Enfin, en 1955, il participe à la deuxième Exposition de l’Affiche de Budapest, où son travail le fait remarquer. Son dessin cultive déjà l’idée : ses casseroles en aluminium, légères, se transforment en ballons de baudruche. Mais en novembre 1956, l’écrasement de l’insurrection hongroise par Moscou décide de son sort. Ferenc fuit la Hongrie pour rejoindre Florence. La tragédie forgera sa haine du système soviétique : défense de Solidarnosc, dénonciation des accords d’Helsinki, de la répression en Afghanistan, de la Glasnost et des internements abusifs en hôpital psychiatrique, crise des euromissiles, autant de causes qu’il mettra durement en affiche.

En Italie, il survit en peignant de grandes surfaces – comme ce travail de 80 m2 pour le pavillon de l’école par correspondance Radio Marelli, à la foire de Milan. Il l’achève seul en un mois. Ou cet autre – 35 m2 – pour la Régie des Tabacs. Puis, en 1960, l’éditeur milanais Mondadori l’engage comme graphiste. Ferenc restera 32 ans dans la maison. Il y fera deux rencontres importantes. Celle de sa femme, Paola. Et celle d’un terrain de jeu aux antipodes de la peinture murale, où son art va se condenser et s’exprimer à plein : la couverture d’édition de poche.

Il a d’abord fait ses armes sur des jaquettes et des illustrations de livres cadeaux, façon Jules Verne ou Anton Tchekov. Avec un tel brio qu’il se voit confier l’artillerie lourde de la maison, Oscar. Une collection de poche au dessus de la moyenne, dont la parution hebdomadaire et la distribution en kiosque minorent la fiscalité. Le slogan d’Oscar dit tout, et surtout son époque : « le livre-transistor. » À Pintér de mettre en scène Homère, Voltaire, Hemingway. Cinq couvertures par mois, plus les illustrations pour d’autres collections. Mais ce qui va faire apprécier l’artiste du public italien, c’est Maigret.

Le commissaire a fait son apparition chez Mondadori en 1961, sous des couvertures de Pintér. Il ne les aimait pas trop. Le personnage en plan rapproché, le fond monochrome, la petite allusion graphique à l’intrigue étaient sans doute trop systématiques pour lui. Qu’il ait donné à Jules Maigret les traits d’Italien du nord de l’acteur Gino Cervi ne devait pas le consoler. Puis Maigret eut à son tour les honneurs de la collection Oscar. Un véritable espace de liberté s’ouvre pour Pintér qui, de 1969 à 1982, jouera des perspectives, des vides, des plongées, des contrastes, des blancs, des abstractions – le commissaire ramené à un détail de ses bretelles, par exemple.

D’autres collections Mondadori lui permettront de nouvelles explorations. À la gouache, à l’encre, au marqueur, au crayon – il n’aime ni l’huile ni l’acrylique – Pintér sait frôler le style d’autres artistes, sûr que l’affaire n’ira jamais plus loin que le clin d’œil ou l’exercice de virtuosité. Sur ses affiches et ses couvertures, on peut entrevoir Gruau ou Wesselmann, deviner les édifices de Charles Sheeler, l’équilibre de Cassandre, même l’énergie du Pellaert de Pravda. L’artiste et critique Santo Alligo évoque à son propos les fauves et les nabis ? Peine perdue. Ferenc Pintér est déjà passé à autre chose. À des illustrations sages et puissantes pour Moby Dick ou L’Île au trésor, par exemple. À son interprétation de Pinocchio. Aux 78 lames de son Tarot de l’imaginaire. Ferenc Pintér s’est éteint le 28 février 2008, ayant travaillé, dit-on, jusqu’à son dernier jour.

François Landon

Site officiel de Ferenc Pintér : http://www.ferencpinter.it/