PARIS
Maïté Grandjouan
Tout ce que je ne t’ai jamais dit
Éditions Frémok
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Vernissage en présence de l’artiste
le jeudi 6 novembre à partir de 18h
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Séance de dédicaces
le samedi 8 novembre
à partir de 15 heures
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Exposition
du 6 novembre au 13 décembre 2025
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MARTEL PARIS | 17 rue Martel | 75010 Paris, France
À l’occasion de la parution de son nouveau livre Tout ce que je ne t’ai jamais dit, la Galerie Martel consacre à Maïté Grandjouan sa première exposition monographique.
Il y a des bris de phrases qui percutent le décor.
Des bris d’images retranchées aux contours d’histoires.
Maïté Grandjouan entre dans le réel par effraction. Au seuil, c’est elle qui décide de la saison et de la couleur, d’éteindre la lumière et d’allumer les ombres, de favoriser l’ancrage ou le mirage. Pour l’œil qui se pose sur ces tableaux luisants – des pages pleines ou faites de bandes fragmentées –, il n’est pas question d’essayer de s’en dégager ou de chercher une trajectoire dans les interstices : tout est là ; nul ne s’échappe d’une forme d’absolu.
Cet absolu, Maïté Grandjouan le déroule depuis une bobine qui serpente à loisir entre le littéral et le mythologique, la réalité et le rêve, une forme initiale et son reflet, l’abîme et la mise en abyme. Les trous, les grottes, les grillages, les maisons creuses, les routes aveugles et les tunnels s’offrent en miroirs aux larges ciels d’aube et de crépuscule. Les cloisons, tantôt des baies, tantôt des fentes, sont transparentes. Pluie et brasier jouent les superpositions. Chaque bord, chaque centre s’exposent toujours à l’incendie, à l’étrangeté et à la violence du doute.
Rare, le corps que trace Maïté Grandjouan est souvent son propre écho infidèle : il s’offre de préférence de dos, de moitié ou bien de biais ; il est masqué, flou ou bien voilé. Et il se perd, même dans une forêt clairsemée. Quand le pinceau le tronque, qu’il le fait portion ou portrait, le corps cesse au contraire de s’éclipser. Il cesse d’obstruer le monde qui se déploie en lui et face à lui.
L’oreille entend et répercute.
La main touche et crée.
L’iris voit et renvoie.
Le visible n’est plus seulement ce qui se tient là sans question. Son champ s’étend à la souveraineté matricielle de l’esprit – lui qui peut former ce qui n’est plus, ce qui n’est pas encore, ce qui paraît réel et ce qui existe en illusion.
Car l’image de l’artiste est de celles qui reste et qui retient. Fantasma (son premier livre publié aux éditions Magnani en 2016) déplie ainsi moins un songe halluciné que le cheminement inquiet et incertain de personnages – une femme et un amoureux indiscret – en proie à des apparitions. C’est moins une histoire de fantasme que de fantôme. Le rideau dont Maïté Grandjouan revêt ses spectres est vaporeux mais non translucide. Blanc et laiteux, originel, il annonce une ligne qui se poursuivra sans doute au-delà du deuil à faire, au-delà des phrases, au-delà des images.
Ce qu’atteint l’artiste se situe quelque part entre le familier – des reproductions d’arrière-pays – et le trouble – une sensation d’arrière-goût. Motifs, palette, paysages, font appel à des lieux conscients et inconscients qui resurgissent soudain, fruits de coïncidences. S’ils reviennent incessamment, c’est qu’ils ont été avalés et digérés dans un cercle de références. Aussi Lena la-très-seule, personnage-titre de son deuxième album (éditions Magnani, 2023), pourrait-elle se penser comme un écho inversé à la blonde Olga, captive du monde des morts de Fantasma.
Si, à travers Olga, Maïté Grandjouan convoque la pureté, Eurydice, le surnaturel, le mystère des rêves et les blessures de l’esprit, les récits de catabase, la psychomagie de Jodorowsky, et multiplie les espaces de réclusion – à l’image de la black lodge lynchienne –, Lena et son prénom au qualificatif lié pénètre plus directement dans l’effroi et rejoue la tragédie d’Ariane. Retirée et endeuillée, faute de n’avoir pu couper le fil avec sa défunte mère, Lena s’enferme dans un réseau de câbles électriques et menaçants. Lunaire, proie idéale de crustacés nécrophages ou fossilisés, elle exhorte l’orage.
Collisions surréalistes (un dentier sur une plaine, ce qui reste d’un feu de cheminée sur un lit, un visage dessiné sur un arbre abattu), porosité hypnotique de la nature et de l’être, apparitions de chevaux chtoniens, fragments d’emprunts à L’Empire des lumières de Magritte, stratification d’images d’où naît la mélancolie, voies doubles, multiples et désertées ou chemins qui ne mènent nulle part… Les paysages extérieurs de Maïté Grandjouan renseignent en fait sur la forme et sur l’humeur des nuages intérieurs de ses personnages, qu’ils soient visibles ou invisibles. Chaque toile de Tout ce que je ne t’ai jamais dit (à paraître aux éditions Frémok) est une nouvelle variation sur l’absence et la permanence. Il y a toujours un souffle derrière l’image, un drame ou une comédie dormant derrière les objets du quotidien, un souvenir derrière un mot, un trouble infusant un décor.
Le temps, lui, est laissé au-dehors.
Les cartons demeurent marqués du sceau du mystère.
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