PARIS

Joe Sacco & Art Spiegelman

Never Again!.. And Again… And Again…

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Vernissage en présence des artistes
le jeudi 18 décembre à partir de 18h

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Séance de dédicaces sur réservation
le samedi 20 décembre
à partir de 15 heures

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Exposition
du 18 décembre 2025 au 10 janvier 2026

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MARTEL PARIS | 17 rue Martel | 75010 Paris, France

 

À partir du jeudi 18 décembre 2025, la Galerie Martel présente Never Again!.. And Again… And Again… And Again, une exposition inédite réunissant Joe Sacco et Art Spiegelman. Pionniers de la bande dessinée documentaire, les deux auteurs engagent ici un dialogue graphique et politique autour du conflit israélo-palestinien, porté par une émotion et une lucidité saisissantes. L’exposition rassemble les planches originales du projet publié ainsi que plusieurs dessins préparatoires. En écho à leur engagement, l’intégralité des bénéfices issus de la vente des œuvres de Never Again!.. And Again… And Again… And Again sera reversée à une organisation humanitaire en soutien au peuple palestinien.

C’est un dialogue au sommet. Une rencontre entre deux monstres de la bande dessinée, qui ont fait pénétrer le neuvième art chez de nombreux foyers, par leur capacité à témoigner du réel, à raconter l’Histoire, la grande et les petites, ouvrant la voie à d’innombrables héritiers. Art Spiegelman et Joe Sacco ne sont pas seulement d’incroyables dessinateurs. Ils sont devenus, eux-mêmes, des personnages identifiables, le premier sous les traits d’une grande souris grise au regard inquiet, le second caché derrière des lunettes opaques et des lèvres charnues, témoin accablé des horreurs de l’époque. Depuis quatre décennies, ils sont nos guides dans les recoins sombres de notre Histoire, sortant leurs crayons comme on braque des torches pour chasse les fantômes. Et les voir réunis dans la même exposition a tout de l’événement, littéraire bien sûr, graphique naturellement, mais politique davantage encore.

Pourquoi ? Qui sont-ils, ces deux monstres sacrés ? L’aîné des deux, Art Spiegelman, a raconté comme personne avant lui l’horreur de la Shoah dans Maus, où il suivait la trace de ses parents, déportés à Auschwitz. Paru entre 1986 et 1991, cet album inclassable aura propulsé la bande dessinée dans une dimension nouvelle en montrant la richesse narrative et graphique du médium, sa portée politique et historique quand beaucoup ne voulaient encore y voir qu’un divertissement. Maus a sidéré par son usage d’animaux pour mettre en scène le drame – des souris pour les Juifs, des chats pour les nazis, des porcs pour les Polonais, des chiens pour les Américains… Dans MetaMaus, un « making-of » publié en 2011, l’auteur explique qu’il a choisi cette représentation car elle fait écho à celle véhiculée par le IIIe Reich, figurant « les Juifs comme des rats, comme la vermine de l’humanité ». Une version animalière qui permet également au lecteur d’éprouver une empathie inédite devant le périple cauchemardesque des parents de Spiegelman, Vladek et Anja, précipités dans les mâchoires de la machine de mort nazie, enfermés dans le ghetto de Sosnowiec en 1942, puis déportés deux ans plus tard à Auschwitz. Par miracle – et grâce à la débrouillardise de Vladek –, le couple survivra à l’horreur, pour mieux transmettre au fils la douloureuse histoire familiale. Ce sera donc Maus, dont les premières pages seront publiées en 1980 dans Raw, la revue d’avant-garde que Spiegelman a créée deux ans plus tôt. Depuis l’œuvre s’est écoulée à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde et a même raflé un prix Pulitzer en 1992 – le seul jamais décerné à un comic book. Quant à son auteur, Grand prix de la ville d’Angoulême en 2011, il a continué depuis d’interroger la barbarie qui nous guette, notamment dans l’admirable A l’ombre des tours mortes, réflexion sur les attentats du 11 Septembre.

Joe Sacco, lui, sillonne la planète depuis plus de trente ans, et la parution de Palestine (1993-1995), gros volume de 300 pages dans un noir et blanc charbonneux où il proposa le récit sans pareil d’un reportage en immersion dans les territoires palestiniens occupés pendant la première intifada. Deux mois à tenir le crayon, observer, noter, documenter, mais aussi à tendre l’oreille, à écouter les voix oubliées, à leur rendre leur part d’humanité. Dans la foulée, Joe Sacco a exporté sa méthode partout où les peuples étaient écrasés, en Irak, dans le Caucase, auprès des Premières Nations dépossédées de leurs terres ou dans les zones sinistrées du rêve américain. A chaque fois, il a su livrer des documentaires de longue haleine, où le texte, dense, généreux, vient mettre en relief le choc des images, leur offrir un contexte, une profondeur historique, un brin d’empathie aussi.

Mais c’est encore vers le Proche-Orient que ses crayons le ramènent, inlassablement. Depuis le succès de Palestine, qui lui a valu un American Book Award, le dessinateur a consacré deux autres ouvrages au conflit israélo-palestinien. Le premier, Gaza 1956 : en marge de l’histoire, paru en 2009, retrace de façon magistrale l’histoire des massacres méconnus de Rafah et de Khan Younès, commis en marge de la crise de Suez. Près de 400 civils palestiniens tombèrent alors sous les balles israéliennes, dans l’indifférence de la communauté internationale. Joe Sacco revient avec émotion sur cet épisode funeste, l’extirpe des notes de bas de page de l’histoire, pour comprendre les rouages de ces tueries, mais aussi les graines de colère semées alors dans les camps de réfugiés. La bande de Gaza, nous dit Sacco, est une plaie ouverte, une blessure jamais refermée où prospèrent la haine et le désespoir. Pas étonnant dès lors de l’avoir vu publier à l’automne dernier Guerre à Gaza, un « cri » d’une trentaine de pages en réponse à l’offensive israélienne, et dont les planches sont présentées lors de l’exposition. Cette fois, pas de reportage sur place, pas d’enquête minutieuse, mais un pamphlet contre la complicité de l’Amérique dans le massacre engagé depuis deux ans, en même temps qu’une expression d’horreur face aux tueries du Hamas et de profond dégoût pour le gouvernement de Netanyahou.

C’est justement dans le sens de cette double dénonciation que les deux dessinateurs ont uni leurs crayons, animés par leur révolte contre le grand char de l’Histoire, piloté par des fous ou des tueurs, et prêt à écraser sans gémir les petites gens. Publié en février dernier dans la New York Review of Books, avant d’être repris dans plusieurs grands titres de la presse européenne (Le 1 Hebdo en France, The Guardian au Royaume-Unis, El Pais en Espagne…), Never Again !…and again !…and again ! est un dialogue sans concessions sur le cessez-le-feu fragile qui règne dans la bande de Gaza, et plus largement sur l’avenir du conflit israélo-palestinien. C’est un cri de colère en même temps de que de désespoir face au cycle de la violence, où les armes ne se taisent que pour mieux entendre les râles des victimes. Comment finir une guerre, si celle-ci n’est suivie d’aucune paix durable ? Comment échapper au retour de la haine quand on oublie les « plus jamais ça ! », quand, comme Brassens le chantait, c’est « la mort, la mort, toujours recommencée » ?

L’exposition de leurs planches, mais aussi de leurs splendides croquis préparatoires, donne à avoir le travail collectif de ces deux maîtres de la BD documentaire, la mécanique de leur collaboration graphique, tout comme leurs interrogations tout au long de ce processus : jusqu’où représenter l’horreur ? Comment se mettre à la bonne distance ? Comment trouver les mots justes, dans ce conflit qui est aussi celui des imaginaires et de la sémantique ? Le résultat, c’est une série de trois planches qui parviennent, en quelques cases seulement, à saisir mieux que de longs textes l’horreur de ce qui s’est déroulé depuis le 7 octobre 2023, de l’attaque sanguinaire des commandos du Hamas à la répression aveugle des bombes israéliennes. Avec ce constat lugubre, qui vaut là-bas comme ailleurs : la Vengeance est une machine infernale qui a toujours soif de sang. Et l’histoire des guerres prochaines s’écrit déjà, à l’encre noire du ressentiment.

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