DAVE McKEAN

Smoke and Mirrors – Neil Gaiman

Exposition du 24 octobre au 22 novembre 2014

 

Après Jean-Marc Rochette et les vertiges glacés de son Transperceneige, c’est à Dave McKean que la Galerie Martel offre ses murs. Pour ce maître de l’étrange, l’inspiration n’est jamais trop vaste, les modes d’expression jamais trop variés. Ainsi s’élabore une oeuvre en kaléidoscope que la Galerie Martel est fière de présenter.

Comment devient-on Dave McKean ? En naissant en 1963. En grandissant dans un village du Berkshire, à quarante kilomètres de Londres, avec la passion du dessin, du piano, des films de SF – et pour bonus un père pianiste amateur, croquant pour son fils caricatures et bandes dessinées. Influence brève : le père de Dave meurt lorsqu’il a douze ans. « J’ai résolu de tirer le maximum de cet héritage génétique, et de m’engager dans le plus grand nombre possible d’expériences créatrices », se souvientil. Premiers films (en Super 8), comics (laborieux), et musique (Dave tient les claviers au sein de groupes de jazzrock).

 

Fish Out Of Water, 2014
encre et crayon sur papier
29,5 x 42 cm

 

Au Berkshire College of Art and Design, il explore l’expressionnisme et la sémiologie. Ralph Steadman, Francis Bacon, Egon Schiele et d’autres lui ouvrent de nouvelles portes. « Depuis, j’ai découvert aux quatre coins du monde une multitude de créateurs. Jadis, ils restaient assis à la surface de mon travail. J’espère qu’aujourd’hui ils s’y incorporent, l’enrichissant ponctuellement d’une couleur, d’une marque, d’une texture. »

Dans le Panthéon de McKean voisinent Cocteau, Topor, Dreyer. Une théorie physique – certes extrême – veut que l’univers ne soit formé que d’un unique atome, se déplaçant à une vitesse telle qu’il paraît être partout à la fois, et constitue l’ensemble de la matière à lui seul. Appliquée à McKean, la métaphore prend son sens. Il avale. Il régurgite. Il doit voir, faire, goûter, produire sans cesse. Avec Grant Morrison, il signe Arkham Asylum, un Batman sans équivalent. Il dessine des timbres pour les Postes britanniques. À son actif figure l’illustration de 100 pochettes de CD. En Boris Vian méthodique, il anime ses univers parallèles et les fait vibrer de concert.

Son exposition à la Galerie Martel coïncide avec la présentation en GrandeBretagne de Luna, son cinquième film en qualité de réalisateur – selon le décompte de l’Internet Movie Data Base, qui le fait figurer au total dans douze métiers du cinéma ! Sans un comparse en harmonie, McKean irait-il si vite ? Question vide. Impossible de rayer de ses univers l’écrivain-scénariste Neil Gaiman. Les deux se rencontrent en 1986 – dans un magazine au nom prédestiné, Borderline. Une histoire de Gaiman, Violent Cases, est mise en images par McKean. Le tandem publie ensuite à la DC la série Orchidée noire. Chez le même éditeur, McKean signera les couvertures du mythique Sandman, scénarisé par Gaiman.

Pourtant, l’illustrateur-dessinateur-photographe-peintre-musicien a soif d’œuvrer en solo. Il enfante Cages, monumental roman graphique abordant le thème de la créativité. Cages n’interdit pas aux liens des deux complices de perdurer – parfois au delà de la création commune. Ainsi Miroirs et fumée, recueil de nouvelles publié par Gaiman en 1998, se voit illustré seize ans plus tard par McKean : une précieuse édition limitée donne à l’ouvrage une dimension à sa mesure, dans une bichromie de rouge et de noir. Une sélection de ces originaux puissants forme un axe de l’exposition présentée par la Galerie Martel.

Sa seconde ligne de force est fournie – bien sûr – par la musique, via les encres mêlées de collages illustrant l’album Jazz « In Quotes ». Pour le coup, une pure réalisation personnelle, dont l’une des citations énonce : « Si je cesse de travailler un jour, je le sais. Si je cesse de travailler deux jours, les critiques le savent. Et si je cesse de travailler trois jours, le public le sait. » Une profession de foi de l’artiste Louis Armstrong, que l’artiste Dave McKean a tout lieu de faire sienne.

François Landon