THOMAS OTT
Exposition du 11 juin au 17 juillet 2010
Alors que l’exposition Robert Crumb débute (5 mai– 5 juin), la Galerie Martel s’apprête à présenter à partir du 11 juin les oeuvres de Thomas Ott. Une exposition que le jeune maître du style noir et de l’angoisse a construite tout exprès pour la Galerie.
Jamais trop tôt pour un hommage – au moins en ce qui concerne Thomas Ott. Né à Zurich en 1966, il fi gnole avec une opiniâtreté souriante des récits graphiques dont les originalités sont aussi multiples et complémentaires que les fonctions d’un couteau suisse. D’abord par leur ambiance, noire, macabre, onirique, décalée, moite, glauque, évitant le gore mais plongeant infailliblement le lecteur dans une belle angoisse. Ensuite par le support choisi : la carte à gratter. Ici il ne s’agit pas pour l’artiste de peindre ou de crayonner, mais bien de gratter, dans tous les sens du terme.
Car dégager de la pointe d’un cutter la couche noire recouvrant la surface blanche d’un carton est aussi ingrat et aussi prometteur qu’un travail de graveur : comme pour une eau-forte, presque aucun droit au faux mouvement, mais au bout du compte un rendu et une atmosphère uniques. Pour tous ses pairs dessinateurs, Thomas Ott est un maître de cette technique. Le troisième atout de l’artiste ? Ses bandes sont muettes. Les voyageurs de commerce, les voisins bedonnants, les chiens-chiens et les petites filles maigres qui peuplent ses récits peuvent affronter les pires tourments, aucun cri ne franchit leurs lèvres. Et rien n’est plus glaçant qu’un cauchemar silencieux. Enfin, quatrième corde de cet arc bien pourvu, la culture du cinéma. Après avoir suivi les cours d’une école de dessin, Ott a étudié le 7e art à Zürich, trois ans durant. Et aujourd’hui, dans ses pages, il réussit diaboliquement à faire coexister les deux univers, celui de l’image fi xe avec celui de l’image animée. Chaque case d’Ott est assez intense pour prendre rang d’oeuvre à part entière. Mais lorsqu’on les enchaîne, elles acquièrent une dynamique de storyboard.
L’angle, le rythme, le cadrage sont là, et bien là. Ses influences ? Aussi composites que sa façon d’aborder le graphisme. Thomas Ott revendique en vrac les films des frères Coen, les comics façon Tales from the Crypt, bien sûr Caro, autre virtuose de la carte à gratter, ou Edward Gorey avec son surréalisme parodique. Et s’il quitte son atelier, c’est pour assurer la voix du groupe suisse Beelzebub – évidemment ! Entre Brian Setzer et Nick Cave, l’homme aux récits muets alterne alors rocks glacés et ballades sépulchrales, sans jamais se renier.
François Landon