Eric Lambé

Du 09 décembre 2016 au 26 janvier 2017

A propos

Eric Lambé trouve son souffle en alternant les modes de travail, les styles et les inspirations. En solo, avec Le fils du roi, une œuvre aussi lourde et lente qu’un mantra, aussi sombre que la liquéfaction d’un univers. Ou en duo, avec Philippe de Pierpont au scénario: c’est le cas de ce Paysage après la bataille, l’histoire d’une longue lutte contre les souvenirs, d’un cheminement vers la reconstruction. « J’avais envie d’un livre qui parlerait de la précarité et de la vulnérabilité marquant notre monde », dit Lambé.

Pour ce travail, il choisit le lavis et le brou de noix, en harmonie avec cette histoire qui sonne comme une nouvelle de Raymond Carver : art du flottement et du silence, absence d’éléments inutiles, flou illuminant les passions et les peines. Les dessins adoptent la même sobriété de décor de théâtre. Ce qu’entraîne ce choix ? Une formidable universalité. Le parc de caravanes qui sert de cadre du récit est supposé se trouver dans les Ardennes. Mais rien ne l’exprime. L’action pourrait se dérouler en Amérique du Nord. Parfois, une mise en couleur ponctue une échappée imaginaire, un bref répit dans le tourment. Parfois, une séquence replonge le lecteur dans le cauchemar moite et silencieux du Fils du roi.

Dans Paysage après la bataille, le visuel, celui du cinéma et du reste, n’est jamais loin. Ainsi, la bataille qui inspire les gardes et la couverture du livre, c’est Waterloo. Sur place, une rotonde abrite la peinture panoramique gigantesque du dernier combat de Napoléon 1er. Ce panorama fascinait Éric Lambé lorsqu’il était enfant. Philippe de Pierpont est metteur en scène et documentariste. Le partage des tâches entre les deux auteurs est parfait : comme un film muet, ce livre laconique laisse ses dessins porter l’action, l’émotion, l’ambiguité, et imposer leur rythme au récit. « La longueur du livre », conclut Éric Lambé, « nous a permis de rester au plus proche des personnages. » Et au plus proche du mouvement. Comme des respirations en hors-texte de ce livre, la Galerie Martel présente des grands formats d’Éric Lambé. Ici, les thèmes – arbres simplifiés, silhouettes transparentes, nichoirs à oiseaux – ne sont plus au service d’un récit. Ils prennent la force symbolique de lames de tarot, comme ces personnages à tête cubique, ou ces longue corde blanche émanant de l’univers du Fils du roi. Sont aussi exposés des couvertures de petits livres et les originaux de « la saison des vendanges » – histoire dont David B a assuré le scénario, et qui s’intègre à l’ouvrage collectif « René Magritte », édité par le Centre Pompidou/Actes Sud. Ainsi se boucle le tour complet d’un univers typé, homogène et rare. Une série de lavis au format 20 x 30 en fournit la clé. Ces images aux fausses allures de tirages photo noir et blanc, sont en fait des notes de travail, des « préalables à de futures histoires », comme dit Éric Lambé. Ainsi, il a représenté ce qu’il voit par les vitres de son atelier. Une façade d’immeuble, avec une porte-fenêtre entr’ouverte sur un balcon de pierre dépourvu de balustrade, de rambarde, de barre d’appui – bref, de garde-fou : un vrai balcon d’artiste.

François Landon

Photos

Œuvres exposées​